lundi 18 mars 2024

Trip in Ethereal Sky - Esther (AntiMonos - 2021)

Ok, on a là une petite merveille musicale et il me fallait absolument partager ce plaisir. AntiMonos, c’est un gars du sud de la France, musicien et producteur autodidacte qui s’est forgé au sound design et autres expérimentations sonores, cultivant ainsi son talent pour l’ambient music.

En 2018, il sort un premier EP, In Utera, et délivre une première géniture électronique qui nous enveloppe dans son ambiance captivante, sous des lumières réverbérantes. Le Red Canopy de départ est à lui tout seul une visite du temple AntiMonos, et la conclusion de l’opus sur le titre éponyme, In Utera, est une porte ouverte sur le futur brillant du musicien. Un an plus tard, l’EP sera mis entre les mains de la crème du beatmaking français pour une version Remixes qui décoiffe. C’est tellement beau de ressentir toute l’harmonie qui peut exister entre différents artistes talentueux pour transformer ces morceaux en bulles de créativité. Une enveloppe hétéroclite qui contient la touche de chacun, sous l’attention du chef d’orchestre AntiMonos qui réussit à garder tout cela cohérent. Pour mon grand plaisir, entre autres, Hadean Ships à la sauce Cyesm.

Puis en 2021, AntiMonos nous gratifie de cet Esther bleuté, couleur de voyage céleste. L’intro ouvre la porte sur un un jardin secret : Shelter qui de prime abord parait presque inquiétant, juste le temps de respirer un bon coup et d'avaler une grosse taffe avant de se laisser complètement emporter dans le Blue Garden. Des arbres qui dansent, un vent qui chante, un souffle de vie. Loin de la foule déchaînée, dans un refuge lointain, la nuit tombe enfin, les cigales murmurent et les battements rituels des Cicadas partagent leur joie enchanteresse. Suspendu dans le temps et l’espace, hypnotisé par Yellow Dots, rien ne peut nous atteindre sur ce chemin sans fin. Et le voyage continue à travers le Passage A, lueurs éblouissantes électroniquement magiques, accompagnant notre errance astrale jusqu’à cette Nebulae qui nous ouvre grand ses bras. Accueillante atmosphère aux poussières ondoyantes. L’univers est infini, le cœur en apesanteur, une étoile est née.

Laissez-vous donc embarquer et bon voyage !
AntiMonos: https://antimonos.bandcamp.com/
(Se trouve aussi sur Spotify)


dimanche 24 décembre 2023

À canaille, canaille et demie - Le Bon, la Brute et le Truand (1966)

The Good
Il était grand et blond
Cigare au bec, lueur dans l’œil
Le mystère plane sur ce bandit sans nom

The Bad
Il était brun et vil
Un poil sadiques, ces yeux d’ange
L’odeur du sang émane d’un cœur fébrile

The Ugly
Il était petit et fourbe
Un brin vicieux sous ses airs d’idiot
Ses mains exhalent les relents de la tourbe

Pour conclure sa trilogie du dollar, le Maestro Sergio Leone orchestre une épopée sombre et pessimiste et crée des personnages grandioses et immortels. Trois bougres égoïstes qu’un seul objectif réunit (dans diverses combinaisons) vont traverser des morts presque certaines, en plus des horreurs de la guerre qui élèvent le niveau de violence, et tout cela dans des décors inoubliables. Une route tortueuse et pleine de rebondissements va finalement mener à un tribellum que les mémoires ne peuvent négliger. Tout dans cette scène est un signe de génie cinématographique.

À la fois beau, triste et jubilatoire, le film gardera toujours une aura de chef-d’œuvre absolu, influençant ainsi d'innombrables cinéastes jusqu'à aujourd'hui. Il a pour moi un statut particulier: à chaque visionnage j’en ressors secouée, et des souvenirs de mon enfance y sont rattachés. La maîtrise de Leone ressort de toute sa splendeur dans des plans à couper le souffle, une créativité puissante et une profondeur qui imprègne la pellicule. Et tout cela ne pourrait être séparé de la musique d'Ennio Morricone qui colle à chaque image forte et qui résonne toujours autant dans nos cœurs.

Ainsi, au milieu de ce Sad Hill aux multiples tombes, les regards s'affrontent sans un mot...
Blondie retrouvera son poncho,
Angel Eyes recevera ce qu’il mérite,
Et Tuco aura toujours le meilleur mot de la fin:
“You know what you are? Just a dirty son-of-a-beeeeeeeeeeeeeeeeeeeh !”

Cauchemars, oh ! En couleurs - Mononoke (2007)

Pour parler de cette série, il faut d’abord revenir sur Ayakashi : Japanese Classic Horror, sorti en 2006. Cette anthologie, en trois arcs indépendants (et réalisateurs différents), nous racontait des histoires issues du folklore japonais. Le succès du dernier arc "Bakeneko" lui a valu la production d’un spin-off, qui sera donc : Mononoke.

En effet, la série ne manque pas d’originalité. Tout d’abord par son personnage principal, l’apothicaire (le kusuriuri), dont on ne sait pas grand-chose à part qu’il consacre sa vie à chasser les mononoke (synonyme de yōkai), sorte d’esprits vengeurs qui hantent notre monde. Ce héro mutique qui parle en syllabes n’a même pas de nom, mais ce qu’il dit est toujours pertinent. Cependant, ce qui frappe en premier lieu dans cet anime, c’est son design et son univers visuel incomparable. Une belle claque esthétique ! Les images s’inspirent en grande partie des estampes japonaises (ukiyo-e) pour retranscrire le côté historique de ces croyances populaires. De fait, les décors sont superbes et une explosion de couleurs chatouille nos rétines. Les superpositions d’images et les expérimentations graphiques se marient à merveille avec un aspect artistique indéniable, influencé notamment par Klimt et les classiques du kabuki. Il faut peut-être un peu de temps pour entrer dans l’univers de Mononoke, mais quand on y est tout devient merveilleux. Malgré l’ambiance sombre des histoires qui nous sont contées (en cinq arcs indépendants), la série nous plonge dans des fables fantastiques qui transmettent un pan de la culture nippone. Quelques petites touches d’humour parsemées ici et là dans cet univers horrifique parviennent tout de même à alléger l’atmosphère.

Il faut avouer que les tableaux qui sont dépeints dans Mononoke ne sont pas très gais. C’est pourtant un vrai plaisir que de suivre le déroulement de chaque histoire pour en découvrir la Forme (Katachi), la Vérité (Makoto) et la Raison (Kotowari) dont l’apothicaire a besoin pour purifier les mononoke. On se laisse entraîner par une réalisation excellente et une animation exceptionnelle dans cet hommage aux tragédies qui peuplent la mythologie japonaise. Si l’on est un minimum intéressé par cette culture, l’anime est un régal culturel à l'ambiance sublime. Principalement à travers la période Edo, le voyage vaut vraiment le détour : que ce soit dans l’auberge de "Zashiki-warashi", sur le bateau de "Umibōzu", avec les illusions masquées de "Noppera-bō" ou dans le train de "Bakeneko". Mais mon préféré est sans conteste la maison d’encens (fuenokouji) de "Nue" qui offre une ambiance terne et grisâtre tout en prenant des couleurs vives à des moments précis, pour des sensations visuelles captivantes. En prime, le charisme de l’apothicaire habite chacune de ses apparitions et le mystère qui plane sur lui crée certes une certaine frustration, mais je pense que c’est par conséquent l’histoire des mononoke qui est ici importante. Le montage un peu farfelu peut parfois se révéler déroutant, mais on ne perd jamais le fil de l’histoire, aidé par des flash-back réussis qui lèvent le voile, en général, sur les raisons de la "malédiction".

Je dois admettre que j’ai eu un peu de mal au début avec l’arc original de Ayakashi, mais à la fin de l’épisode j’en voulais encore de cet univers multicolore qui aura tendance à secouer ce qu’on connait du monde de l’animation. Mononoke est une œuvre petite expérimentale qui mérite d’être connue. Une expérience unique !


dimanche 27 août 2023

Charlie's Dream - L'Impasse (1993)

This is the End

Est-ce que ça commence vraiment comme ça? C'est sûrement le cas, on sait tous qu'on va mourir. Certains plus tôt que d'autres. J'y allais tout droit dans ses bras, à cette faucheuse. J'ai pourtant essayé d'esquiver, de me faire oublier. Je mets un masque pour l'abuser, ou peut-être bien que je l'enlève, ce masque. Nouvelle vie, nouvelle chance. Qu'est-ce qui a pu changer?

Sous le dôme épais ou le blanc jasmin

Tout a peut-être changé autour de moi, mais je voulais voir ses yeux. Au fond, ce qui comptait le plus c'était de la regarder danser, caché sous la pluie, enveloppé par la nuit. La fleur rit, l'oiseau chante.
Je tourne en rond et autour d'elle. Je me fais une raison, ce sera bientôt la fin. Tous ces salauds autour de moi qui veulent grappiller les miettes de mon rêve. Je les attends. Amis, ennemis, quelle importance, il n'y a plus de respect. Je n'ai plus ma place dans ce monde. La rue a-t-elle vraiment changé? Ou est-ce mon regard vieilli? Les voiles se lèvent et je brise les chaînes pour te rejoindre.

Je me voyais déjà

Je savais quel chemin je prenais. C'était différent cette fois pourtant. J'avais un rêve, et je voulais le partager avec toi. Attends moi encore un peu sur le quai de cette gare. Je te rejoindrai même s'il fallait pour cela mourir. J'entrevois notre vie, là-bas, loin de tout ça, et je te souris. Le soleil se couche.
J'aurais dû me douter que ce serait les pieds devant que j'irai au Paradis. Quelqu'un comme moi avait-il jamais eu une chance? Et pourtant, je ne regrette rien. J'ai vécu assez longtemps pour te prendre dans mes bras et sentir ton parfum. Je suis fatigué mais je pars le cœur léger, accompagné par le bruit de tes pas qui dansent sur le sable d'une plage oubliée.

Le quattro stagioni: L'estate - Call Me by Your Name (2018)

Sur ma peau la brise fraîche,
Senteurs d’été, chaleur claire,
Le soleil sur ma chair,
Je me souviens.
Regard fuyant, œil subtil,
Aimants qui se repoussent,
Amants qui se touchent,
Je te retiens.
Je traverse ton silence,
Pour éviter la folie,
Ce qui nous lie,
Je t’effleure.
Sur des aires altérées,
Notre la est donné,
Accords parfaits,
Je t’appartiens.
Combien de temps encore,
Avant d’effiler le lien,
Nos adieux italiens,
Je pleure.
De nos amours ce qui reste,
Nos souvenirs rayonnants,
Je t’appelle par mon nom,
Répondras-tu?

Une Histoire d'A. - Varsovie / L’Alhambra / Paris (Saez - 2008)

Saez et moi, c’est une histoire d’amour tout à fait improbable. Une de celles où l'on n’aime pas complètement l’autre, sans pour autant pouvoir vivre totalement en son absence. Il faut dire que Damien et moi nous sommes rencontrés il y’a bien longtemps, sous des cieux différents. Ce n’est peut-être là que de la nostalgie mal placée, jeune et con comme on dit. Je ne peux cependant pas nier qu’une corde sensible vibre au son de certains de ses mots. Il y’a des chansons auxquelles je reste indifférente alors que d’autres me bouleversent sans autre raison qu’un cœur qui bat. Je pense m'être à peu près détachée à partir des albums post-2010, mais dès que retentit le souffle de Jours étranges, je replonge dans les fumées de mon passé. Dans le bleu de l'absinthe, je noie mes souvenirs et j’veux qu’on baise sur ma tombe dans un future lointain.

C’est surtout dans les rues de Varsovie, l’Alhambra, Paris que j’aime flâner de temps en temps. Je sors du train à Varsovie au matin, il fait gris et froid, et je pense à ceux qui sont en laisse. Comment te dire que tout est noir dans un poème tremblant. J’écoute une chanson pour mon enterrement à l’Alhambra, et je cherche encore au-delà du brouillard. Il est vrai qu’on s’endort sur des braises quand on perd son amour, la nuit pour toujours. Et Paris enfin, jeunesse lève toi ! J’ai beau me dire Putain vous m’aurez plus, je me retrouve tout de même prisonnière de ces  marées d’écume. Toi tu dis que t’es bien sans moi, alors je pars... Et c'est pourtant toi qui reviens peu après pour rendre hommage à deux tours en ne parlant que de toi, comme toujours.  Moi je dis fuis, toi tu me suis, aux encres des amours me raccroche aux bords de Messina.

Saez et moi, c’est une histoire qui a une fin mais une aventure continue, bâtie sur des souvenirs mémorables. On n’aurait pas dû se croiser pourtant on s’est aimés. C’est peut-être là un petit miracle de la musique, une rencontre, une voix qui brise nos murs intérieurs, un texte qui fait jaillir un flot d’émotions. Damien et moi resterons dans nos cœurs respectifs, comme de vieux amants qui gardent le parfum chaleureux de l’autre au creux de leur chair. Comme une ombre à chacun de nos pas.

Miroir d’Outre-Tombe - L'Enfant Miroir (1990)

La mort de l’enfance est un sujet bien connu du cinéma, et de l’art en général. Elle se fait très souvent dans la douleur, écrasée par la réalité du monde adulte. L’Enfant Miroir (The Reflecting Skin) nous raconte une de ces morts, celle d’un enfant de 8 ans, Seth, dans les Grandes Pleine américaines des années 50. Le monde de Seth est surréaliste et son imaginaire est très gothique. Ce qu’il ne comprend pas, il l’invente et ses convictions enfantines deviennent ses vérités (la voisine vampirique qui absorbe la jeunesse de ses victimes, l'ange réincarné,...). Il faut avouer que le monde qui l’entoure est bien laid et ce qui reste d’innocence devient morbide. Le film aborde des sujets divers qui tracent un portrait grossier des malheurs de ces prairies isolées et leurs sombres secrets : deuil, homosexualité, suicide, meurtre d’enfants, traumas de guerre,... Tout se passe dans la lumière du jour, ce qui fait rayonner encore plus la noirceur de l’être humain. L’enfance périt au soleil couchant et le film s’achève sur une séquence sublime, un cri bouleversant, qui nous laisse le cœur serré et les yeux éblouis.

Film étonnant et captivant de bout en bout, The Reflecting Skin est une belle représentation de l'american gothic dans le contraste des champs baignés de soleil doré, genre de Malick qui rencontre Lynch dans les yeux d'un enfant, tout cela dans la dépression la plus totale. Un onirisme glauque qui reflète une certaine réalité déformée par le prisme de l'innocence. Une succession de tableaux superbes qui flirtent avec l’horreur et le fantastique sans en être vraiment. On y retrouve ainsi des séquences marquantes qui resteront gravées dans nos rétines hyperpolarisées. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise d’apprendre le polymorphisme artistique du cinéaste britannique Philip Ridley : peintre, auteur, poète, musicien, photographe… qui a écrit et dirigé le film avec talent. Ses inspirations visuelles de la peinture américaine d’Andrew Wyeth et de Edward Hopper sont subjuguantes.

L’Enfant Miroir est un conte étrange et un film sensitif enveloppé dans une atmosphère mystérieuse et recouvert d’un voile surréaliste qui restera dans les mémoires. Il trouve d’ailleurs une belle place dans la riche collection du très intéressant documentaire Woodlands Dark and Days Bewitched: A History of Folk Horror que je recommande chaleureusement. The Reflecting Skin mérite clairement son statut de film culte malgré sa forte méconnaissance et il serait bien dommage de ne pas le découvrir.

"It's all so horrible, isn't it? The nightmare of childhood. And it only gets worse…"